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L'élévation du niveau de la mer fait renaître les fermes flottantes au Bangladesh

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L’élévation du niveau de la mer fait renaître les fermes flottantes au Bangladesh

Mohammad Mostafa, agriculteur dans les basses terres des deltas au sud ouest du Bangladesh, s’est remis à pratiquer la culture sur radeaux flottants de ses ancêtres car le niveau de la mer monte et les inondations menacent de plus en plus les terres cultivables. Les sols sont noyés pendant de longues périodes, représentant une menace pour la culture vivrière des familles. Elles se tournent donc davantage vers la culture sur radeaux, plus sûre pour cultiver légumes et fruits, par exemple concombres, courges amères, papayes et tomates. La plupart d’entre eux sont vendus comme plants.

 

Les radeaux, formés par les tiges entremêlées de jacinthes d’eau invasives sont une planche de salut pour les familles pendant les saisons de plus en plus extrêmes de la mousson, quand la terre non gorgée d’eau devient particulièrement rare. Cette technique vieille de 200 ans avait été initialement adoptée par les cultivateurs de la région pendant la saison des inondations qui durait habituellement environ cinq mois par an. Maintenant la région reste sous l’eau pendant 8 à 10 mois et les inondations gagnent encore du terrain. « Ces temps-ci, la terre est sous l’eau bien plus longtemps. Cette vieille technique nous aide à gagner notre vie » dit Mostafa, 42 ans, tout en plantant des poignées de plantules sur des plates-bandes flottantes. « Mon père et ses aïeux faisaient tous ça. Mais ce travail n’est pas si facile que ça. Du coup, j’ai d’abord essayé de vendre des fruits mais je me suis retrouvé couvert de dettes” dit Mostafa, l’unique source de revenus de sa famille de six. « J’ai tenté ma chance dans la culture flottante il y a cinq ans et ça a fait une grande différence dans ma vie. »

Cette méthode, pratiquée actuellement pour leur subsistance par quelque 6 000 paysans dans le sud-ouest marécageux peut s’avérer cruciale alors que le changement climatique fait monter la mer de plus en plus et rend la mousson plus imprévisible. Digbijoy Hazra, fonctionnaire chargé de l’agriculture dans la sous-division Nazirpur de Pirojpur, dit que ce nombre est passé de 4 500 à 6 000 il y a cinq ans. “Cela demande moins d’espace que la méthode traditionnelle et il n’y a pas besoin de pesticides » dit Hazra à Reuters. « A l’époque de la lutte contre le changement climatique mondial, la culture flottante pourrait avoir de l’avenir. »

Les basses terres du Bangladesh sont considérées comme les plus vulnérables au climat à cause de l’impact des eaux montantes amplifié par les tempêtes, les inondations et l’érosion. L’impact climatique est amplifié par des facteurs naturels, tels que les mouvements tectoniques qui causent des glissements de terrain et des barrages en amont qui retiennent la vase qui pourrait combler l’érosion du delta. Entre 2000 et 2009, le Bangladesh était en 7ème position dans la liste des pays les plus touchés par le changement climatique, selon l’Index Mondial des Risques Climatiques de 2021 établi par l’ONG Germanwatch. Etant dans le plus vaste delta du monde, une vaste proportion des terres du Bangladesh est soumise à de fréquentes inondations, en particulier des crues subites accompagnées d’érosion des fleuves, a souligné la Banque Asiatique de Développement dans un rapport de 2021. Le Bangladesh est également fréquemment frappé par des cyclones qui s’intensifient dans l’entonnoir de la Baie du Bengale et le changement climatique rend le régime des précipitations de plus en plus imprévisible. Plus d’un quart de la population du Bangadesh vit dans la zone côtière. L’élévation du niveau de la mer et l’érosion côtière pourrait faire perdre au Bangladesh 17% de sa surface et 30% de sa production alimentaire avant 2050, selon un rapport du Fond international de 2019. A bord de son bateau sur l’une des innombrables voies d’eau du pays, Mostafa dit qu’il peut maintenant nourrir sa famille « sans demander d’aide ». Cependant, il ajoute que les marges bénéficiaires rétrécissent tandis que les coûts augmentent. Cette année, il a dépensé 4 500 taka (43$) pour un chargement de 1,2 tonne de jacinthes d’eau pour fabriquer de nouveaux radeaux. L’année dernière, le prix était de seulement 1000 taka. Les radeaux, qui se fabriquent en deux mois, font généralement 6 mètres de long sur 1 mètre de large mais peuvent être beaucoup plus longs, affirment les paysans. Il faut les remplacer par des nouveaux après trois ou quatre mois. Mohammad Ibrahim, un autre paysan de la région, dit que les potagers flottants lui permettent d’obtenir avec succès de plus belles récoltes. “Le niveau monte. Je me rappelle encore que je jouais au football dans le terrain qui est maintenant noyé sous la marée » dit l’homme de 48 ans, tout en vendant depuis son bateau des plants de calebasses cultivés dans son potager flottant.

Il faut payer le prix de cet effort. Sa femme Murshida Begum, 35 ans, dit qu’elle travaille plus de huit heures par jour à préparer des boules de plantules qui seront repiquées sur les radeaux mais les jacinthes d’eau provoquent souvent des démangeaisons et des plaies sur ses paumes et ses doigts. Kajol Begum, 30 ans et mère de deux filles, dit : “Le travail est dur et douloureux. Je ne peux pas dormir la nuit à cause de douleurs au poignet. Mais que faire d’autre quand il y a de l’eau partout la plupart du temps ? »

Texte traduit depuis cet article: Bangladesh farmers revive floating farms, as seas rise (reuters.com) Reportage de Ruma Paul - Octobre 19 2022 – Photographies de Mohammad Ponir Hossain.

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