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Un terrain retrouve son statut de bien commun

Mouvement autour des SEL est une publication CommunityForge qui relate les initiatives du monde entier qui vont dans le même sens que les SEL, avec des valeurs d'entraide, de partage, d’'échange et d’équité.

Traduit d'après un article de ROB HOPKINS du 10  février 2020

Source : https://transitionnetwork.org/news-and-blog/returning-land-back-to-the-c...

Graham Truscott nous raconte l’histoire d’un champ de choux inutilisé que Melbourne Area Transition a acquis pour le transformer en terrain fertile et riche en biodiversité rendu à la collectivité.
Avec l’ouverture d’un beau centre tout neuf en octobre 2018, on a célébré le 5ème anniversaire  de la transformation d’un ancien champ de choux de 4 hectares, qui avait fait partie des biens communs jusqu’en 1791, et son retour à la propriété coopérative.
En mars 2013, l’idée ambitieuse avait germé de transformer ce champ plutôt banal en une ressource multifonction pour la population locale, d’en faire un lieu pédagogique et exemplaire pour ce qui concerne les principes de permaculture et une riposte militante (quoique locale et à petite échelle) aux multiples menaces pesant sur la biosphère. A ce moment-là, nous n’étions qu’un petit groupe de Transition dans une partie rurale et suburbaine du sud du Derbyshire.
Les membres de Transition dans la région de Melbourne (en Angleterre*) avaient déjà obtenu quelques petits succès pratiques. Une forêt-jardin vigoureuse avait été créée à l’école publique et une installation photovoltaïque de 10 kW placée sur le toit de l’église paroissiale classée monument historique ainsi qu’un certain nombre d’autres projets et activités qui attiraient l’attention sur les problèmes importants… Mais pour un groupe sans expérience, comment réunir des fonds, repousser les promoteurs immobiliers, lutter contre les intérêts fonciers des propriétaires locaux, en particulier équestres, et gérer le terrain? Cela nous a semblé un défi considérable quand les panneaux « A vendre » ont été plantés sur le bord de la route. Pourtant, en octobre 2013, nous avions compris non seulement comment faire, mais nous avions aussi fait valider notre nouvelle coopérative et ses membres par le contrôle financier, rassemblé plus de 150 adhérents, fait tout le travail juridique et autres -  et recueilli l’argent. Et nous avons tenu notre première fête sur notre propre terrain.

Le soutien inconditionnel de The National Forest a été essentiel. Trois jours après avoir entendu nos espoirs, la promesse d’une subvention de cet organisme tourné vers l’avenir pour démarrer la collecte de fonds nous a forcés à passer à l’acte. (…)
Ce caractère urgent ne nous a pas laissé le temps d’observer et d’interagir avec le paysage avant de concevoir et de promouvoir le projet. Pourtant cette création conçue en hâte nous a bien servis pendant ces six ans.  Selon un processus partant d’un schéma d’ensemble pour arriver aux détails, les plans initiaux précisaient les emplacements et la finalité des éléments importants  mais n’expliquaient pas nécessairement comment ces éléments seraient exécutés par la suite.
Plusieurs éléments du plan d’origine n’ont toujours pas été dessinés en détail, encore moins bâtis, y compris le jardin collectif que nous pensions être un projet rapidement « gagnant » !
D’autres projets ont reçu le travail de conception minutieux nécessaire pour assurer leur réalisation, comme la maison ronde solidement construite en ballots de paille, notre structure la plus emblématique, la plus belle et la plus chère. Le cahier des charges exigeait évidemment des productions multiples ; donc des zones de vergers et de forêt ont été prévues ainsi que des arbres donnant des fruits à coques, des taillis de saules et de noisetiers, des mares, des zones humides et des milieux ouverts pour pouvoir créer, entre tous ces éléments, des lisières d’une grande importance. Toutefois, les bienfaits conventionnels potentiels de ces éléments étaient encore loin de satisfaire nos grandes ambitions. L’éducation, le divertissement, l'entreprise et la biodiversité ont été définis comme au moins aussi importants. Par conséquent, le business plan prévoyait des activités qui pouvaient également offrir ces avantages.


Nous avions l’intention, dès que possible, de lancer des activités commerciales dérivées grâce aux ressources de notre site et ainsi devenir aussi bien financièrement indépendants que durables sur le plan environnemental. Nous avons pris note de ce qu’étaient les terres  voisines : d’un côté une plantation de The National Forest, antérieure de 10-12 ans à la nôtre, avec une belle avenue plantée de très vieux poiriers et  de l’autre côté  un champ de blé en monoculture intensive, régulièrement aspergé de dieu-sait-quoi de chimique. Un autre champ, en bordure du bas de notre site, ayant le même chemin d’accès, a été acheté par des gens qui ont l’intention d’y mettre des chevaux.
Notre projet comprenait une partie centrale délimitée par des haies.  Notre intention était que cette zone du terrain soit fermée lors des évènements, tout en permettant l’accès au public partout ailleurs. Nous avons demandé et reçu le permis de construire pour tout ce que nous pouvions imaginer d’installer à Whistlewood. A la surprise des  décideurs locaux, nous voulions un projet aussi compatible que possible avec le changement climatique. Nous avons peut-être été les premiers à vouloir retenir l’eau sur notre site.

Nos premières expériences

Ayant négocié un prix un peu plus bas que prévu, nous nous sommes achetés une yourte avec l’argent économisé. En novembre 2013, celle-ci a abrité la première fête sur notre terrain. Le lendemain, le réveil de trois adultes et plusieurs enfants dans la yourte a été magique.  En ouvrant les portes de la yourte, nous avons eu le plaisir de voir un épervier d’Europe planer à moins de 20 mètres. La première d’une série de magnifiques expériences de nature, avant de tomber ensuite en extase devant les lièvres de Whistlewood.
Par la suite, nos amis du Wildlife Trust du Derbyshire ont effectué des études sur les petits mammifères, y compris la première souris des moissons décrite dans une étude officielle, qui n’avait pas été vue dans le Derbyshire depuis plus de dix ans. Ceci explique pourquoi tant de rapaces et de hiboux fréquentent le site. Des études sur les arthropodes ont révélé de superbes insectes et ont permis à de nombreux enfants d’être initiés aux joies des papillons de jour et de nuit.
Les conclusions de ces études ont été incluses dans les détails de notre projet qui a également une dimension temporelle. Il y a maintenant, par exemple, un protocole annuel bien défini de tonte de l’herbe pour favoriser la flore et la faune que nous essayons particulièrement d’encourager. La première structure (semi) permanente que nous avons construite a été un compostage de la tourbière. Celle-ci a rapidement été suivie par l'achat de l’arrière d’une vieille camionnette des Telecom qui servait auparavant de poulailler à un fermier du coin, pour nous servir de cabane à outils, nous épargnant ainsi l’effort de transporter les outils sur le site chaque fois qu’on en a besoin.
Outre les arbres, beaucoup des Whistlewooders, comme nous nous sommes nommés, avaient envie de voir une plus grande variété de fleurs sauvages. L’immense fertilité du sol travaillait contre nous ; ça avait été de la terre maraichère de grande qualité jusqu’à ce que les demandes ridicules des supermarchés imposent la monoculture de choux. La terre est riche, idéale pour les arbres qui commencent à pousser comme des fous, mais moins propice aux espèces de fleurs locales, comme l’ont prouvé trois sites-tests de tailles égales. Le test le mieux réussi a  été  celui où la terre superficielle a été décapée, presque jusqu’à l’argile de 45 à 60 cm. C’est là que nous avons aussi testé les rhinanthes jaunes comme remède possible contre les graminées omniprésentes.

Malgré tout, les graminées peuvent être une source de joie. Un des intérêts les plus délicieusement inattendus continue d’être  le plaisir des jeunes enfants à courir, à se cacher et à jouer dans la grande herbe, ce qu’ils ne peuvent faire nulle part ailleurs. On a peut-être perdu un ou deux jeunes arbres par la même occasion, mais c’est vraiment trop drôle. Ces moments peuvent être un exutoire à toutes la paperasse à faire en arrière-plan pour accomplir notre mission : la comptabilité, l’assurance, la promotion, l’organisation, etc. Nous reconnaissons avec gratitude que le stress nous est parfois allégé par des membres de l’équipe centrale.

Création de l’infrastructure

Pour que le business plan fonctionne, il fallait absolument des structures et un accès tout au long de l’année, mais le terrain avait besoin d’être remodelé et transformé. Un programme de plantations d’arbres le premier hiver 2013-2014 a été concentré sur les limites du terrain pendant que la terre était déplacée pour creuser le lit d’un ruisseau et créer la base d’un mini-amphithéâtre au centre avec les boues des zones humides et des mares. Plus de 3 500 arbres ont maintenant été plantés sur trois automnes, parfois de façon intensive quand des seniors et des enfants pouvaient être présents sur le site pour aider. Deux cents jeunes fruitiers dans quatre vergers fournissent l’occasion de faire des ateliers de soins aux arbres et d’enseigner de nouvelles compétences.
On a impliqué les membres, dans la mesure du possible, à la construction de la maison ronde centrale – depuis la collecte et la pose de 9 000 bouteilles à vin vides comme isolation du sol, jusqu’à la pose du plancher de la scène et de la véranda.

Un bénévole de Whistle-wood, récemment retraité, a joué un rôle essentiel avec ses excellentes compétences d’ingénieur et de gestion de projet. Il a  contribué au travail en supervisant nos bâtisseurs professionnels chaque jour pendant six mois. Beaucoup d’autres personnes sont également intervenues. Un de nos adhérents a conçu un motif central pour le carrelage du bâtiment et a montré à d’autres adhérents comment créer des carreaux uniques et personnalisés pour ce décor.
Une autre personne nous a trouvé une subvention d’équipement sportif qui nous a offert un parcours sportif complètement gratuit pour Whistlewood (qui n’était pas dans notre projet initial). Aujourd’hui, forts de nos 400 adhérents,  nous continuons à créer des éléments pour le site. Maintenant que nous avons une bien meilleure connaissance du lieu, c’est plus facile de planifier les détails. Le plus important est que nous ayons créé un exemple de propriété collective d’un terrain qui nous aide à accomplir notre mission multidisciplinaire, particulièrement lorsqu’il s’agit d’apprendre de la nature et de montrer des perspectives adaptées au 21ème siècle.

Cet article a été publié dans Permaculture Magazine, numéro 102.

* Note de la traductrice

Vous avez d’autres suggestions d’expériences à partager avec notre réseau?  Nous vous proposons de nous les communiquer à l’adresse [email protected]  et nous les répercuterons dans la mesure de nos possibilités.

 

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