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Crise climatique
Crise climatique
Publié par matslats dimanche, 09/juin/2019 - 09:07 https://matslats.net/climate-crisis Cela fait longtemps que je soupçonne notre civilisation de ne pas être viable. Au moment de l’effondrement bancaire de 2008, j’ai suivi de près les rapports apocalyptiques qui déclaraient que nous étions à deux doigts de l’Armaggedon économique – qu'est ce que cela signifiait? Comme j'ai mieux compris la stupidité du dogme capitaliste, prêché de plus en plus par des sociopathes égocentriques et vaniteux, comment cela requiert une consommation exponentielle des ressources et qui ne sait pas réagir aux avertissements assourdissants des scientifiques, j’en suis arrivé à attendre l’effondrement financier ultime, à tout moment, ou tout au moins de mon vivant.
En début avril 2018, j'ai été alarmé quand le vortex polaire a éclaté et que l’Europe a gelé mais l’article de Jem Bendell, http://Deep Adaptation: A map for navigating the climate tragedy (Adaptation extrême : carte pour parcourir la tragédie du climat) ne m’a pas trop inquiété. Sa théorie favorite était l’échec des divers greniers à blé mondiaux (EMGB) dans les 5 à 10 ans, la fonte de la glace des mers au pôle nord causant une telle perturbation de la météo que les récoltes de céréales en Russie, au Canada et aux USA seraient toutes catastrophiques et provoqueraient un effondrement de la société. Bon, admettons, me suis-je dit.
Les intuitions de Jem peuvent être étonnantes. La semaine dernière, j’ai entendu la nouvelle que le vortex polaire s’était déplacé de l’océan polaire moins froid vers le Groenland, où il reste davantage de glace, et que ceci implique une pluie presque incessante pour les céréaliers américains. A la fin la saison des semailles, seuls 60% des champs avaient été ensemencés et la majorité de ceux-ci étaient noyés. Ce fait, avec la sécheresse en Australie et un long hiver en Russie signifie que nous sommes confrontés à cet EMGB cette année.
Soudain, je ne suis plus aussi optimiste. Mon travail de ces dix dernières années sur les monnaies complémentaires est empreint d’optimisme. Je n’avais pas le sentiment que les gens puissent s’organiser pour mener la société différemment. Je sentais que même s’il n’y avait qu’une chance minime d’être utile, face à tant de souffrance, travailler à changer le système était pertinent. A présent, avec trop peu de temps pour changer le système, c’est difficile de trouver un sens. Nous nous sommes prélassés au soleil sur la plage sans nous préoccuper de la marée qui s’est reculée bien trop loin, et maintenant nous voyons l’écume du tsunami à l’horizon. C’est trop tard pour installer le système d’alerte précoce, trop tard pour consolider nos maisons, nous n’avons plus que le temps de courir et d’espérer. C’est le moment pour moi d’admettre que le système que je travaillais à améliorer sera détruit et tout mon travail sera anéanti. C’est trop tard pour bâtir un réseau électrique décentralisé, trop tard pour remanier la finance, trop tard pour construire un meilleur système alimentaire, trop tard pour rétablir notre outil industriel, trop tard pour restaurer nos sols, notre agriculture, trop tard pour les technologies de capture du carbone, trop tard pour démanteler le Léviathan des combustibles fossiles, trop tard pour tous les espoirs auxquels je m’accrochais. Depuis la semaine dernière, je ne sais plus où j’en suis. Les lecteurs qui m’ont connu après 2008 vont pouvoir comparer mon anxiété d’alors à celle d’aujourd’hui. Dans les deux cas, j’ai raison sur le mécanisme et il est impossible de connaître l’échéance. La science du climat est loin d’être exacte mais quand ses effets commencent à se manifester, il serait absurde de notre part de dire que c’est faux. Mais il y a un fossé entre affirmer « les récoltes vont s’effondrer » et « la société va s’effondrer », ça, c’est une toute autre histoire. Une société sensée pourrait encore prendre des mesures (c’est ça l’Adaptation extrême) pas tant pour réduire les émissions de carbone mais pour s’assurer que les ressources sont partagées. Mais notre société est tout sauf sensée, ni même consciente de ce qui est à venir. Une famine réelle mais gérable, comparable peut-être à la période particulière à Cuba sera aggravée par de la stupeur, des reproches, le deuil du climat #ClimateGrief, et des élites opportunistes profitant de la souffrance. Donc cet hiver, les réserves mondiales de céréales seront consommées et, comme en 2011, les pays les plus pauvres connaîtront une instabilité politique entretenue par les prix élevés des denrées alimentaires. Puisque le pôle nord a dépassé le point critique, l’année prochaine sera vraisemblablement encore pire, donc dans 18 mois, beaucoup de gens paniqueront. Plus que jamais auparavant, les aliments que nous mangerons ôteront directement le pain de la bouche des affamés. Certains prédisent l’extinction du genre humain mais ça me paraît une perte bien abstraite. J’ai le cœur lourd et le regard constamment dans le vague parce que j’éprouve du chagrin de l’échec de notre extraordinaire civilisation, j’imagine le développement d’une souffrance inutile et je me prépare à affronter un avenir difficile.
On est facilement angoissé par le futur qui est inconnu par définition. Mais, dans ce cas, nous en savons beaucoup – c’est juste que nous passons trop peu de temps à relier les points pour voir l’image complète. Je développerai peut-être mes pensées une autre fois – s’il n’est pas trop tard Vous avez d’autres suggestions d’expériences à partager avec notre réseau? Nous vous proposons de nous les communiquer à l’adresse [email protected] et nous les répercutons dans la mesure de nos possibilités.