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La renaissance des biens communs au 21ème siècle

Un concept ancien

Le concept de biens communs existe dans toutes les civilisations depuis des temps immémoriaux. Les biens communs sont des ressources qui n’appartiennent à personne, ou à tous, et dont chacun peut profiter librement.  Ces biens communs peuvent être, soit naturels comme l’air que nous respirons, la biodiversité et l’océan, soit matériels comme des chemins ou des réseaux d’irrigation, ou encore immatériels comme les traditions, les savoir-faire ou les langues. 
Depuis le développement de la propriété privée et du libéralisme économique, les biens communs font l’objet d’une lutte entre ceux qui voudraient en faire des biens communs universels et ceux qui voudraient se les approprier. Selon les civilisations et les systèmes politiques, les biens communs ont été ignorés, dilapidés ou gérés durablement. 
La question des biens communs avait été longtemps ignorée par les économistes et les politiques occidentaux jusqu’aux travaux de recherche d’Elinor Ostrom, finalement récompensés par le prix Nobel d’économie en 2009.

Les communs immatériels

L’élargissement des biens communs, qui est allé de pair avec le développement d’Internet et de ses multiples réseaux, répond aux besoins environnementaux et sociaux  de redistribution des ressources et des connaissances. L’essor d’internet a favorisé la création de communs immatériels par contraste avec les biens communs physiques. Le partage des données (open data), où la connaissance est en accès libre et gratuit est une tendance de fond. Internet est rapidement devenu le plus étendu et le plus puissant des biens communs. Il existe des milliers de sites de partage de données, comme Wikipedia, la fameuse encyclopédie en ligne ou Flickr, le site de partage de photos et vidéos.

Les associations d’intérêt général

Une nouvelle notion est apparue pour désigner les ressources communes à un groupe, qui servent l’intérêt général et dont l’usage se développe grâce à leur souplesse et leur capacité à intégrer des initiatives isolées et novatrices, comme les jardins partagés, les outilthèques ou les monnaies locales. Ils sont régis par la même logique, celle d’une communauté d’utilisateurs qui gèrent ensemble une ressource collective.  Personne ne possède en propre le bien, la propriété ne signifie plus rien, c’est l’usage de la ressource qui est important. En France, ces associations sont de plus en plus appelées à tort « les communs » par analogie avec l’anglais commons.
Les communautés qui gèrent ces ressources dans l’intérêt de l’ensemble des membres, tout en pérennisant celles-ci, établissent des règles et une gouvernance acceptée par tous.  En France, de nombreuses associations ou ONG portent des initiatives qui s’apparentent aux caractéristiques des « communs » et qui oeuvrent pour le bien commun.  Un exemple est l’association Kokopelli qui s’oppose à la mainmise des semenciers industriels qui veulent breveter leurs semences et se consacre, depuis 1999, à la protection de la biodiversité alimentaire et médicinale, à la production de semences issues de l'agro-écologie et au soutien des communautés paysannes. 

L’après Covid 19

La crise du Covid 19 a fait volé en éclat toutes les habitudes. Les chocs causés par la pandémie et  le confinement ont fait prendre conscience à certains responsables qu’un changement était possible et souhaitable et qu’il serait important de remettre les biens communs au cœur de la société. La pandémie, couplée aux crises écologique et économique aura peut-être pour conséquence le développement de nouveaux modes de gouvernance. On peut déjà pressentir des esquisses de changement. 
En effet, au début d’avril 2020, sous l’impulsion de la maire adjointe Marieke van Doorninck, la municipalité d’Amsterdam a mis au point un plan de relance qui donnera la priorité aux besoins élémentaires des citoyens, tout en respectant la planète. Une grande partie de ces besoins de base sont des  biens communs qui doivent être accessibles à tous, tels l’eau potable, l’air pur ou la biodiversité. La municipalité d’Amsterdam compte suivre le modèle d’économie prônée par Kate Raworth*, en favorisant l’accès aux communs, et aux nécessités fondamentales (nourriture, santé, éducation, logement, équité, etc) pour tous les citoyens  d’Amsterdam, sans dépasser les limites de l’écosystème.
Dans le contexte actuel, où la crise sanitaire remet en cause les comportements habituels, où la crise économique remet en cause la gestion de l’argent, où la crise de l’environnement appelle à un nouveau mode de gestion des biens naturels, la réflexion sur les biens communs devient incontournable. Cette réflexion n’en est probablement qu’au tout début mais peut susciter une lueur d’espoir pour un monde d’après plus viable. 

Texte écrit par Pascale Dey, SEL Fleur de Seine

*Dans La théorie du donut (Plon, 2018)

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